La santé mentale vue par Normand Baillargeon
L’isolement, et toutes ces souvent profondes modifications à nos vies que nous impose la crise sanitaire que nous traversons, a généré chez beaucoup de gens du stress, des inquiétudes, de l’anxiété et de la déprime. Tout cela a contribué à ramener au premier plan de nos préoccupations la délicate problématique de la santé mentale.
De très nombreuses et graves questions se posent avec elle, des questions qui ont d’immenses répercussions individuelles et collectives.
Pour commencer, celle de la définition de la santé mentale, et par conséquent celle de son envers, la maladie mentale.
Se jouent ici de vifs débats, à la fois scientifiques, sociologiques et politiques, avec des positions pouvant même parfois aller, chez certains, comme des partisans de l’antipsychiatrie ou des adeptes des idées du philosophe Michel Foucault (Histoire de la folie à l'âge classique, 1964), jusqu’à remettre fortement en question l’idée même de maladie mentale.
Qu’on soit ou non en accord avec eux, la question de savoir qui détermine ce que sont la santé et la maladie mentale est lourde de conséquences sociales et politiques. L’histoire est d’ailleurs là pour nous rappeler avec quelle facilité on a pu, hier encore, juger être des maladies mentales des idées et des comportements qui n’étaient, en somme, que déviants et non-conformistes. Cela devrait nous inciter à faire ici preuve de prudence et de discernement.
Ces qualités sont indispensables pour prétendre, à l’aide de données probantes, venir en aide aux personnes qui ont réellement besoin d’aide, poser de bons diagnostics et préconiser des moyens éprouvés de traiter les maux dont elles souffrent. D’autant qu’existent aussi des préjugés et diverses et souvent insidieuses formes de déni, collectif ou individuel, de la maladie mentale, pouvant faire obstacle à sa reconnaissance et à son traitement.
Mais en bout de piste, une question se pose immanquablement : quel est le but ultime des traitements et des thérapies? Une certaine idée du bonheur est depuis longtemps — à vrai dire depuis les commencements de la philosophie — une réponse possible à cette question. Le recouvrement de sa liberté par le patient en est une autre, qui donne une mesure de l’immensité de la tâche et des responsabilités des psychologues et des psychiatres. Comme le disait l’éminent psychiatre français Henri Ey : «La mission du psychiatre […] est toujours la même : […] aider le malade à retrouver sa liberté, non pas seulement celle qu’il retrouve en sortant des murs de l’asile, mais celle que la désorganisation psychopathologique de son être tient au fond de lui-même prisonnière». (Défense et illustration de la psychiatrie).