L'éducation vue par Normand Baillargeon
Cette année encore, le Québec, comme à son habitude et comme le font aussi tous les pays développés, va consacrer une part très importante de son budget à l’éducation. En fait, en 2020, la province va dédier 25 734 millions de dollars à l’éducation et à l’enseignement supérieur, ceci sur un budget prévoyant 118 566 millions de dollars de dépenses, ce qui en représente près des 22%.
Ce que recouvrent ces mots, éducation et enseignement supérieur, est bien entendu très vaste, et va de la gestion d’un parc immobilier au financement d’une armée de fonctionnaires, d’enseignant.e.s, de professeur.e.s et de travailleur.euse.s, sans oublier l’achat d’équipement, les sommes allouées à la recherche et bien d’autres choses encore, comme on le devine sans peine.
Mais que sont donc exactement l’éducation et son prolongement dans l’enseignement supérieur? Quelles fins vise-t-on vraiment en consacrant de telles sommes aux activités que ces mots recouvrent? Sont-elles quantifiables? Mesurables en argent sonnant? Quel rapports, justement, entretiennent-elles avec l’économie? Y a-t-il, ou non, un danger de les y ramener? Et si oui, lequel?
Notre époque, mais elle est loin d’être la seule en ce cas et on est même tenté d’y déceler une constante de l’histoire, voit se déployer de profonds débats autour de ces questions. Ils concernent la nature et les fins de l’éducation, son rapport à l'économie, son rôle social et politique, son éventuelle mission de former le futur citoyen, les savoirs qu’elle devrait dispenser et plus généralement le curriculum qu’il est indispensable ou souhaitable de transmettre à tous et toutes. Sans oublier la délicate question de savoir si les finalités qu'on assignera à l’éducation sont compatibles entre elles.
À tout cela, qui est déjà fort complexe, s’ajoutent encore toutes ces vives et souvent polémiques discussions concernant l’autorité d’éduquer. À qui revient-elle? À l’État, qui l'exerce alors par des écoles publiques et dont la fréquentation est obligatoire? À l’État mais aussi, en partie, au secteur privé? Ce dernier doit-il, en ce cas, ou non, être subventionné? Aux parents qui souhaitent pratiquer l’éducation à domicile et se charger eux-mêmes de l’éducation de leur enfant? À quelles conditions en ce cas?
Vastes, difficiles mais aussi incontournables questions. Car, comme le dit avec raison la philosophe Hannah Arendt : «L'éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité et, de plus, le sauver de cette ruine qui serait inévitable sans ce renouvellement et sans cette arrivée de jeunes et de nouveaux venus. C'est également avec l'éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d'entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n'avions pas prévu, mais les préparer d'avance à la tâche de renouveler un monde commun.»